Quand on conseille et influence le choix de quelqu’un, la responsabilité que l’on
endosse à cette occasion est alors très lourde.
Les codes de déontologie ne s’y trompent pas quand ils affirment qu’on doit
renseigner une famille en deuil mais ne pas l’influencer et respecter ses choix.
Mais arrêtons ici l’hypocrisie. La part de vérité dans ce principe, c’est qu’il ne
faut pas entrer dans l’histoire d’une famille. L’assister, c’est effectuer un parcours
à ses côtés, mais ce n’est pas placer nos pieds dans la trace de ses pas.
Ceci étant admis, que faire lorsque quelqu’un pousse la porte du bureau et vous
confie non seulement la mission d’organiser les funérailles mais aussi ses
confidences, ses doutes, sa douleur, son épuisement ? Dire qu’on ne va faire
qu’écouter et respecter devient illusoire quand le demandeur sollicite une véritable
assistance incluant un conseil touchant à l’intime.
Certes, il est préférable de diriger ce demandeur vers un accueil spécialisé et
c’est facile lorsqu’il s’agit d’un convoi religieux, l’équipe pastorale étant formée
à cet effet. Mais diriger vers qui quand nous sommes dans le cas d’un convoi
civil et a fortiori lorsque le ou les proches ne bénéficient pas d’un entourage
disponible ?
Diriger vers un psy ? En fait, que ce soit l’infirmière en milieu de soins, l’agent
d’amphithéâtre, le thanatopracteur ou l’employé de pompes funèbres, chaque
intervenant se débrouille avec ses propres moyens pour répondre spontanément
à la sollicitation de proches du défunt complètement désorientés à ce
moment précis de leur vie.
Mais il est une autre situation souvent ignorée : celle où la famille ne demande
rien d’autre qu’un devis pour de simples prestations techniques.
La demande est sèche, n’appelant apparemment que des réponses aussi
sèches. Or il y a le dit et le non-dit. N’est-ce pas ici précisément une terrible
responsabilité quand on démissionne sur la voie de la qualité humaine alors
qu’on est en mesure, par sensibilité personnelle ou culture acquise, d’apporter
une plus-value au ressenti psychologique des funérailles ?
La personne désorientée n’est pas que celle qui apparaît spontanément effondrée.
Elle est aussi celle qui, assommée par l’évènement, en plus de l’abrutissement
de la vie courante, n’arrive plus à mettre un mot ou un concept pour
expliquer le sens de sa vie. Face à la mort d’un proche, cette personne a le
droit, nous insistons ici, le droit de bénéficier de toutes les aides et repères à
sa disposition dans ces circonstances.
C’est un devoir humain de donner et partager avec l’autre ce qui nous est le
plus précieux en notre for intérieur, que ce soit en funérailles ou dans tout autre
évènement tragique.
Un impérieux devoir, une terrible responsabilité qu’un code de déontologie ne
pourra pas limiter comme on mettrait Paris en bouteille…