La loi Sueur, en 93, aurait dû s'appeler la loi Guizard parce que c'est lui qui en a été le principal artisan, avant, pendant et après. Or cette loi a été promulguée un 8 janvier. Elle est parue un 9 janvier et Yves est décédé ce 10 janvier. Retiré de la vie syndicale depuis quelques années, Yves n'en était pas moins resté un observateur attentif et averti. Or qu'aurait-il pu dire ces dernières semaines à la suite du passage de la réforme de décembre des pompes funèbres qui marque également la fin symbolique des années «Guizard»? Nul ne peut le savoir exactement. Toujours est-il que ses conseils auraient été précieux dans le contexte cacophonique d'aujourd'hui. En effet, nombre de préfectures, voire de mairies, ont déjà interprété de manière contradictoire les premières conséquences de la loi (Cf. page 54). Nul doute que son expérience des textes juridiques aurait permis de clarifier dans l'esprit des professionnels ce qu'il faut refuser d'appliquer, c'est-à-dire l'augmentation du prix des vacations de police sans la contrepartie prévue par la loi, c'est-à-dire la réduction du nombre de cas où sont taxées les familles. Sa présence aurait aussi été précieuse pour défendre, par exemple, un artisan du Maine et Loire recevant en décembre un avertissement-sommation du Préfet à propos de démarchages dont il ignore a priori la nature, le contexte et donc l'exactitude. Nul doute qu'il se serait élevé contre l'arbitraire administratif alimenté, probablement en amont, par un acte de délation peut-être diffamatoire. Il faudra donc la combativité d'un nouveau Guizard pour lutter contre les pièges de cette réforme déposée sous le sapin des professionnels et des Français par le «Pire Noël». Pour finir, nul doute qu'il n'a pas non plus apprécié, il y a peu, l'indignation sélective de nos responsables politiques qui protestent lorsque des profanations de tombes touchent des sépultures musulmanes ou juives et qui passent sous silence les innombrables violations identiques touchant les sépultures chrétiennes. Tartuffe, Scapin, quels sont vos noms aujourd'hui ? Dans ce départ d'Yves, nous percevons aussi la disparition de toute une génération d'individus qui ont été façonnés à leur plus jeune âge par les difficultés de la guerre. Il faut désormais souhaiter une relève trempée dans la pugnacité et la sagesse car les temps futurs s'annoncent sous de sombres perspectives. Il n'existera alors qu'un seul recours : la qualité des individus face aux crises les plus aiguës.