Dématérialisation

Un convoi funéraire à prix doux n’est plus synonyme aujourd’hui d’un moindre
attachement affectif au défunt, contrairement au passé. La même remarque
est applicable au culte du souvenir alors que nombre de Français prennent des
distances avec les pratiques traditionnelles au cimetière.
Une révolution est en cours, elle ne trouvera pas d’autres limites que la disposition
incontournable du personnel et d’un cercueil pour assurer un convoi.
Son premier signe fut certainement donné par le recours accru à la crémation.
De la négation du besoin (le corps réduit en cendres, hier, n’était plus qu’un
objet), on est aujourd’hui en passe de confondre cendres et corps entier dans
un statut juridique identique. Cela signifie une dissociation entre matérialité
(cercueil, tombe, corps, etc.) et intentionnalité (hommage et souvenir). En plaçant
les cendres au même niveau que le corps, on admet que la démarche rituelle
peut s’appuyer sur un objet qui n’est plus qu’indirectement lié au sujet,
c’est-à-dire le défunt.
Dans la même logique, les sentiments sont dissociés du choix du cercueil ou
du monument. Or cela, qu’on l’admette ou non, est une véritable révolution
pour les pompes funèbres vendeuses de cercueils et les marbriers vendeurs
de monuments.
Cette dématérialisation pénalise la valeur d’achat des fournitures et stimule
parallèlement la demande de services (le monument, par exemple, entrera progressivement
dans un créneau commercial fortement appuyé sur la personnalisation).
Dans ce contexte, la valeur des entreprises funéraires ne peut qu’évoluer. Soit
la maîtrise du «psychologique» sera entre les mains d’intervenants spécialisés
indépendants (maîtres de cérémonies à leur compte, bureaux de design marbrier)
et dans ce cas, la valeur des entreprises actuelles sera étroitement dépendante
du niveau d’équipements dont elle dispose (établissements, matériel
etc.), soit cette maîtrise du «psychologique» restera comme aujourd’hui intégrée
dans l’offre en bouquet de prestations et fournitures et dans ce cas, la
stratégie des entreprises doit fortement évoluer. Tout d’abord dans l’intensité
des efforts de formation continue. Sachant que les familles continueront à choisir
le professionnel selon l’idée qu’elles se font a priori de sa qualité, les critères
de valeur d’un fonds de commerce suivront de très près les efforts
internes de maîtrise du psychologique dans la conception du dernier hommage
ou des modalités du souvenir. L’implantation physique des points d’accueil sera
donc moins déterminante qu’auparavant et les enseignes nationales devront
dépasser le simple concept commercial d’une présence maillée sur toute la
France.
Une notion d’ADN collera ainsi à la marque ou au nom de l’entreprise. Ce sont
les critères de caractérisation qui prévaudront, l’entreprise devenant ainsi un
«territoire de compétences». Ce qui recentre le personnel au coeur de la valeur
d’une entreprise…